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Les guides de Saint-Jacques de Liège
25 février 2013

L'Abbé Drogon (1155-1173)

L’abbé Drogon - originaire de Tinlot, dépendance de Soheit (dans le Condroz) -s’inscrit dans la lignée des grands abbés de St-Jacques des XIe siècle,Olbert de Gembloux et Etienne II ‘le Grand’. Pourtant, lorsqu’il arrive à la tête du monastère, en 1155, celui-ci n’est pas en bonne santé financière.

Quatre ans plus tôt, soit en 1151, le Prince-Evêque Henri de Leez a tenté d’y remédier en plaçant sous la dépendance de l’abbaye l’église paroissiale de Ste-Marie-Madeleine, laquelle s’élève non loin des bâtiments claustraux. Fondée par un certain Anelin au 12e siècle, cette égliseétait située approximativement à l’angle des actuelles rues du Vertbois et des Prémontrés. Après 1478, perdant de son importance, elle fusionnera avec l’église St-Nicolas-au-Trez (qui signifie ‘passage d’eau’).

Malgré cet état de gêne financière dans lequel se trouve l’abbaye au moment où il en prend la tête, Drogonva laisser le souvenir d’un excellent administrateur comme l’abbaye n’en a plus connu depuis Olbert, le père fondateur (1021-1048) et Etienne le Grand (1095-1112). A l’exemple de ce dernier, il renouvelle la confraternité de prières entre St-Jacques et Cluny. Cependant, à l’inverse, le domaine de St-Jacques ne va plus connaître d’accroissement notoire. C’est surtout à l’embellissement de l’abbaye et au perfectionnement du fundus claustral (cloître) que Drogon consacre tous ses efforts.

Peu à peu, l’annexion de l’église Ste-Marie-Madeleine va porter quelques fruits, qui vont être réinvestis.

Drogonachève la construction du narthex - ou Westbau - de l’église abbatiale, réalisé en grès houiller local et probablement enduit vu l’absence de taille ; il le couronne d’un campanile (qui subsiste encore aujourd’hui), le fait couvrir de feuilles de plomb et le flanque de deux tours. C’est une nouveauté du 12e siècle : auparavant, le Westbau était indépendant du reste de l’église (comme à St-Servais de Maastricht). A l’intérieur de l’église, il fait ériger le cancel (balustrade qui ferme le chœur), véritable chef-d’œuvre de l’art mosan-rhénan, dont quelques fragments sont actuellement conservés au Musée de l’Art Religieux et de l’Art Mosan (aujourd’hui incorporé au ‘Grand Curtius). Réalisé en pierre provenant de carrières de la Meuse, il comporte une frise supportée par des colonnettes (hauteur totale : 1,70 m). La frise est profilée en quarts de rond, décorés de rinceaux à feuillagesvariés auxquels sont entremêlés des oiseaux picorant affrontés, divers animaux et des hommes taillant les ceps de vigne ; les colonnes monolithes sont surmontées de chapiteaux à corbeille, de type classique mosan (ou corinthien trapu), corbeille ornée de palmettes dressées, déchiquetées.

En outre, Drogon va assurer à toute sa communauté un ravitaillement immédiat en irriguant le verger et le potager situés dans les encloîtres de l’abbaye. Dans ce but, il fait creuser un canal par lequel est détournéeune partie du cours de la Meuse.Débutant à l’angle des actuels boulevards d’Avroy et Piercot, sous un arveau dénommé ‘Trou St-Jacques’, le canal traverse les bâtiments claustraux (où se sont très probablement installés les services de l’abbaye), irrigue le verger, puis rejoint le Meuse à hauteur de la rue de l’Evêché actuelle. 

Au XIXe siècle, le coup d’eau de l’abbé Drogon passait encore sous les maisons de l’actuelle place Emile Dupont.

Quand on assiste aux travaux d’aménagement entrepris par l’abbé au monastère, on doit voir l’application rigoureuse du chapitre 66 de la Règle de St Benoît qui recommande à toute abbaye de se suffire à elle-même en groupant à l’intérieur des encloîtres un moulin, un jardin, des ateliers pour les divers métiers.

Benoît de Nursie, qui avait fondé une communauté religieuse vers 529, sur le Mont Cassin en Italie, écrivit une Règlequi va être adoptée, au cours des siècles, par un nombre croissant de monastères et qui porte son nom. Le modèle de la vie monastique, selon Benoît, est la famille dont l’abbé est le père et où tous les religieux sont frères. La Règle organise la vie des moines à travers trois activités principales. Ce sont : d’abord, la prière commune, qui s’exprime surtout dans l’Eucharistie et l’Office Divin (ou Liturgie des Heures, en fonction de laquelle la journée est organisée) ; ensuite la lecture de l’Ecriture Sainte ou d’auteurs spirituels ; enfin le travail manuel : « c’est alors qu’ils seront vraiment moines lorsqu’ils vivront dutravail de leursmains à l’exemple de nos pères et des apôtres ». Benoît recommande de l’organiser de façon telle qu’il n’oblige pas les frères à sortir de la clôture du monastère.

C’est en réalisant ce programme point par point que l’abbé Drogon s’est montré un excellent administrateur, digne de ses deux grands prédécesseurs.

Il est évident que tous ces travaux supposaient des ressources pécuniaires et l’on peut croire que l’abbaye les devait à la vente d’un alleu ainsi qu’aux profits qu’elle commençait à retirer de l’église paroissiale de Ste-Marie-Madeleine ; sans doute, également, la communauté monastique recevait-elle des donations en espèces faites par les fidèles.

Cependant, soucieux d’éviter à la communauté de revivre les ennuis financiers du passé, l’abbé Drogon comprend qu’il est inutile et dangereux de vouloir reprendre l’expansion du domaine et que la tâche la plus urgente consiste à garantir un apport immédiat en cas de besoin.

Toutefois, si l’agrandissement du domaine n’est plus à l’ordre du jour, Drogon ne va pas laisser dormir les petites réserves dans les coffres, mais doucement les faire fructifier. Il est, en somme, l’illustration vivante de la parabole des trois deniers : comme le serviteur intelligent qui reçut de son maître la récompense de sa sage hardiesse, l’abbé Drogon aura la joie de voir, à la fin de son abbatiat, le numéraire de la communauté sensiblement grossi. Il décède en 1173.

Sources bibliographiques

U. BERLIERE. Monasticon Belge ; tome II Province de Liège ; fascicule 1-2 Abbaye bénédictine de St-Jacques. Desclée de Brouwer, Bruges et Liège, 1928-29 ; réédité et complété par le Centre National de Recherche d’Histoire Religieuse, Liège, 1955, pp. 5-31.

J. STIENNON.Etude sur le Chartrier et le Domaine de l’Abbaye de St-Jacques de Liège (1015-1209). Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège et publié par la Société d’édition « Les Belles Lettres », Paris, 1951.

VAN HEULE. In :Chronique archéologique du Pays de Liège, juin 1926, pp. 259-260.

document en PDF: L_abbe_drogon

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