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Les guides de Saint-Jacques de Liège
21 mars 2013

Fondation de St Jacques le Mineur

Nous sommes au Moyen-Age. Evêque après évêque, l’évêché de Liege s’est construit. L’an mille est proche et en ce moment, Notger règne sur l’évêché. Notger est reconnu comme un évêque dont le règne fut grand. Ne disait-on  pas que « Liege devait Notger à Dieu et le reste à Notger ». Sa qualité fut reconnue par l’empereur Otton qui l’éleva au rang de Prince-Evêque, titre que conservent tous ses successeurs. L’évêché de Liège devient donc une principauté.

En 1008, Notger s’éteint et l’empereur Henri II nomme Baldric II comme sucesseur. Celui-ci régna sur la principauté de 1008 au 29/7/1018, date de son   décès.

Baldric, deuxième du nom, fils des comtes de Looz, était archidiacre de Campine. Il était le frère de Gislebert, troisième comte de Looz.  Dans le cousinage de Baldric II  on trouve aussi le comte de Louvain, Lambert dit le barbu. Ce dernier était avide de conquêtes et le voisinage du Brugeron d’avec le comté de Louvain, fief de Lambert,  inquiétait Baldric.

Brugeron ou Brunengeruz, aussi désigné sous l’apellation de « comté de Hoegaerden » est un comté qui s’étendait de Tirlemont aux portes de Louvain, et de Glabbeek à Opheylissem, Hoegarden et Chaumont Gistoux.

L’Eglise de Liège en possédait les droits régaliens grâce à la donation faite par Alpaide, épouse de Godefroid de Basse-Lotharingie qui la lui légua. Vers 988, l’empereur Otton III en confirme l’attribution aux princes-évêques de Liege.

En 1014, Baldric reçoit le marquisat de Franchimont. En 1015 il acquiert l’abbaye de Florennes. C’est également lui qui consacre la nouvelle cathédrale Saint-Lambert ainsi que la collégiale Saint-Barrthélemy.

En 1018, il se joint à la campagne du duc Godefroid avec les évêques de Cologne et d’Utrecht pour châtier Thierry de Hollande. Ce fut un insuccès  et Baldric, fatigué et malade, décède à Heerewaarden. Il est enterré dans la crypte de l’abbaye St Jacques.

J Van Ham

Dès le début du règne de Baldric II, des différends naquirent avec Lambert le Barbu. Mgr Schoolmeesters  décrit ce dernier comme un homme violent et perfide, guerroyeur impitoyable et qui avait reconquis par les armes les fiefs dont l’empereur l’avait déchu.

Baldric tenait à protéger le territoire du comté de Hoegarden contre les méfaits possibles de Lambert.

Pour parer à une telle éventualité, et lui permettre de se défendre, l’Evêque décide de construire, vers 1010, un château fortifié dans le comté de Hoegaerden.

Le comte Lambert s’en offense évidemment, interprétant cette entreprise comme une provocation. Il somme alors le Prince-Evêque d’en arrêter la construction. L’Evêque n’obtempérant point, Lambert  se fait menaçant au point que Baldric décide de se défendre, et pour ce faire, convoque ses vassaux pour un règlement militaire du conflit.

Le combat est inévitable. Il a lieu le 10 octobre 1013. Il est le premier combat auquel se livre à l’extérieur la milice de Liege qui au début, semble remporter un certain succès. Mais, suite à la trahison du Comte de Namur, qui comptait dans les rangs des défenseurs de Baldric et qui  fit volte face pour se ranger au côté de Lambert, la troupe de l’Evêque ne peut résister au nombre. Tous tentent de se réfugier dans la fuite. 300 hommes sont massacrés sur le terrain. Lambert prend ainsi le Brunengeruz à la principauté de Liège.

Le Prince-Evêque rentre alors à Liege. Ne pouvant se consoler de la perte de ses sujets, l’Evêque cherchait tous les moyens pour réparer sa faute.

Dans un but d’expiation, et sur les conseils d’un évêque italien nommé Jean, confident de Baldric II, celui-ci décide de construire une église à laquelle il adjoint une abbaye dans laquelle il place quelques moines venus de l’abbaye bénédictine de Gembloux.

Le personnage de l’évêque Jean est sujet à débat de la part des historiens qui ne sont pas tous d’accord avec ce que l’on a dit de lui. Une chose cependant ne fait pas de doute car il est régulièrement cité par tous : il a bien existé.

Jean était un peintre que l’empereur Otton avait engagé pour décorer la cathédrale d’Aix-la- Chapelle. Eu égard à ses qualités et son talent, Otton le désigna pour occuper un siège épiscopal en Italie. Mais chassé de ce pays, et sur la recommandation de l’empereur St Henri, il se réfugie à Liège où Notger l’accueille. Lié d’amitié avec Baldric II, il participe à la décoration de l’église Saint-Jacques.

C’est d’ailleurs  là qu’il finit ses jours et est enterré dans la crypte.

Lors de la reconstruction de l’église au XVIe siècle, l’abbé Jean de Coronmeuse déterra les ossements de l’évêque Jean pour les placer dans un mausolée.

Pourquoi une abbaye et non point une collégiale ? Pourquoi des moines et non des chanoines ? Dereine nous en donne une justification, se basant sur ce qui était dans l’esprit et les faits à cette époque. « Le tableau que nous avons brossé permet de se faire une idée de la place occupée par les clercs et les moines dans le diocèse de Liège »…

On peut résumer sa pensée en disant que très souvent, dans les chapitres de chanoines, on constate que plusieurs chanoines changent d’orientation et se consacrent à la vie monastique, ce qui contribue à accentuer le problème de la préséance de l’un ou l’autre ordre. En outre, les écrivains de l’époque soulignent la grandeur de leur vocation et la prédominance de l’état de moine sur celui de clerc de l’église. Dereine va même jusqu’à se demander si parfois la création d’abbaye n’était pas faite dans le but d’accueillir ces chanoines. C’est ainsi que deux monastères liégeois, à Brogne et à Florennes, des chanoines ont d’abord été installés dans l’église, mais on leur substitue rapidement des moines. Clercs et moines revendiquent tous les deux le privilège d’avoir été fondés par le Christ.  

Au début du XIIème siècle, on voit des moines remplacer des clercs dans un certain nombre de collégiales.

Et Dereine conclut en disant : « on peut affirmer l’importance de l’ordre canonial représenté à la fin du XIème siècle au diocèse de Liège par une cinquantraine de communautés groupant de 700 à 800 membres. Pour des motifs d’ordre économique et religieux, les évêques veillent à leur développement et à leur bien-être. Nombreux sont les problèmes que suscitent la coexistence du monachisme vivant et d’un ordre canonial fortement installé dans le diocèse de Liege. »

À cette époque, d’autres évêchés débattent quant à savoir si le clergé régulier doit l’emporter sur le clergé séculier. Il est d’ailleurs des diocèses où des chanoines embrassent volontiers l’état monastique. L’évêque de Worms, ami de Baldric, avait pu constater les inconvénients de cette situation dans son propre diocèse. Il souhaitait donc une juste répartition entre les deux états, et pour cela demandait à l’évêque de tenir les abbayes sous sa dépendance, et aux abbés des abbayes de se soumettre au pouvoir épiscopal.

Mais à Liège, la situation est à l’inverse de celle de Worms. Et pour cettte raison,  Baldric, jugeant suffisant les huit collégiales construites, décide l’érection d’un monastère bénédictin plutôt que d’une collégiale. 

Sur l’île, deux apôtres étaient déjà invoqués, l’un à Saint Paul, l’autre à Saint Jean. La nouvelle église sera donc dédiée à un troisième apôtre : Saint Jacques le Mineur.

Pour construire ce monastère, dans l’entourage de l’évêque certains proposent le faubourg d’Amercoeur, endroit éloigné du tumulte du centre et propice à la paix et au recueillement des moines. Mais l’endroit, dont le niveau du sol est bas, est malsain et ravagé régulièrement par les eaux.

Le quartier de la ville de Liège, que l’on appellera plus tard quartier de l’île, n’était au départ qu’une forêt entrecoupée de marécages formés par les crues des eaux de la Meuse. Notger, en faisant creuser un canal le long de la ville, régularisa ainsi le cours d’eau tout en donnant décharge aux eaux marécageuses.

Baldric choisit donc le quartier de l’île, endroit boisé et inculte à cette époque, et, dit-on, encore peuplé de bêtes sauvages. C’était un faubourg où n’existait encore que la Collégiale St Paul, celle de St Jean avec St Adalbert, le tout entouré d’une agglomération relativement restreinte.

Il existe une autre version des motifs qui poussèrent Baldric à édifier l’église dédiée à Saint Jacques le Mineur. Elle est évoquée dans l’étude du chartrier de l’abbaye St Jacques faite par Jacques Stiennon. La vita Balderici avancerait comme motif le fait que, comme l’intention du Prince-Evêque était de continuer l’édification de l’abbaye de St Laurent, Jean lui aurait fait remarquer qu’au lieu d’achever l’œuvre d’un autre, il serait préférable d’attacher son nom à la construction d’une abbaye dédiée à St Jacques.

Une triple préoccupation, nous dit encore Jacques Stiennon, plaidait également, aux yeux de Baldric,  pour ce choix à la pointe de l’île.

Politiquement parlant, la proximité de l’île permettait à l’évêque une surveillance aisée sur le monastère. Une prompte intervention éventuelle était facilitée  tout en garantissant aux moines la solitude désirable.

Stratégiquement, le domaine étant établi en bordure de Meuse, et dont la sécurité était  assurée par une enceinte fortifiée, constituait une première ligne de défense, contribuant en même temps à la surveillance du fleuve. Les tours de l’église pouvaient aussi servir soit de postes fortifiés, soit de points d’observation et l’arrivée d’un ennemi s’approchant par le fleuve pouvait être rapidement décelée. En outre, on commandait les endroits les plus propices à un débarquement.

Symboliquement, l’édifice devait recouvrir une notion de défense spirituelle de ce territoire, puisque l’île n’était protégée à ce moment que par la Meuse qui coulait au pied de l’abbaye avant que le quartier ne soit muni de murailles.

Enfin, la situation de l’abbaye assurait de précieux avantages économiques. Source de nourriture, le poisson abondait dans la Meuse  garantissant ainsi un réservoir important de ravitaillement pour les moines. Le courant rapide du fleuve, introduit dans le domaine, permettait d’irriguer les jardins et les vergers et servait à actionner un moulin pouvant servir à moudre le grain.

Les assises de l’église, placée sous le vocable de Saint Jacques le Mineur,  furent posée le 25 avril 1016. Cette date, nous dit Gobert,  est celle que donnent les « Annales du moine de St -Jacques » dont l’original est conservé à l’Université de Liege. C’est la même date que l’on trouve chez Martène et Durand.

Baldric II entame la construction de l’édifice par la crypte,  déjà terminée en septembre, et qu’il dédia à St André le 7 septembre. L’empereur Henri II avait fait don à Baldric des reliques de ce saint. Cette crypte enfile trois nefs de quatre travées identiques de 2,20 mètres de côté environ. Elle disposait de deux entrées vis-à-vis sur les côtés nord et sud. Coiffé de voûtes d’arêtes, le volume devait culminer à environ 4,50 mètres.

Baldric dota le monastère de biens provenant de son propre patrimoine ainsi que des largesses de la comtesse Lutgarde. Son parent, le comte Arnoul de Valenciennes, lègue ses biens à l’église de Liege.

L’Evêque annexe à la fondation de l’abbaye, le terrain qui l’environnait. Ce terrain était un alleu qui avait pour nom le Bois ou La Forêt. Le nom de Vertbois provient du nom dont on l’appelait donc complété de la désignatioin qui en est faite dans la donation de l’empereur à l’église de Liege : nobilem sylvam.  Il y est dit aussi que ce bois était le plus beau de tous les bois du voisinage. Les agréments de ce bois toujours vert ont donc contribués à la coutume de désigner ainsi cet endroit.

Baldric, en fondant le monastère, constitua son propre frère Gislebert, comte de Looz, voué de la juridiction de l’alleu du Vert-Bois. En vertu de cette désignation, le comte Gislebert était tenu de se rendre trois fois l’an dans sa juridiction pour y tenir les plaids généraux.

Le monastère était directement soumis au Saint Siège.

L’abbé de St-Jacques portait les insignes épiscopaux, la mitre, l’anneau, etc., en vertu d’une faveur accordée par Innocent IV le 9 octobre 1246.  Cette faveur permettait à ces abbés de remplir certaines fonctions épiscopales quand l’évêque ne résidait pas à Liege. Le territoire de l’abbaye en était par cela rendu neutre et inviolable, ce qui explique le rôle qu’elle a pu jouer durant toute son existence.

Baldric II étant décédé en juillet 1018, ce n’est pas sous son règne que l’église fut achevée. La construction, qui avait été arrêtée au décès de l’évêque,  fut continuée par Wolbodon, grâce à une généreuse donation faite par  l’empereur Henri II, qui séjourna à l’abbaye en 1019. C’est le même Empereur qui commanda à l’évêque Wolbodon de nommer un abbé : Olbert de Gembloux.  Ne se croyant pas capable de diriger les deux monastères, Olbert opposa quelque résistance mais devant l’insistance de Wolbodon, il finit par accepter. 

Et ce n’est qu’en l’année 1030, le 24 août, que  l’évêque Réginard  en fit la dédicace solennelle.

L’église mesurait à cette époque 60 mètres de long sur 20 de large. De style roman, assez semblable à la collégiale St Barthélemy, l’église se composait de trois nefs avec chœur surélevé. Intérieurement, le monument avait été décoré par le peintre Jean dont nous avons parlé plus haut.

La construction des cloîtres avait été terminée seulement en 1052. Dès le début, le monastère abritait 25 moines.

En 1056 le moine Robert, futur abbé, accompagné de pélerins liégeois,  ramena de Compostelle la relique de St Jacques que l’on peut voir dans le reliquaire. Cette relique fut retrouvée en 1876, après la Révolution Française, par Mgr Schoolmeesters, dans la sacristie avec les pièces probantes.

Ce n’est que vers l’an 1170 que l’abbé Drogon couronne le monument de son clocher octogonal. Autre particularité, le clocher était encadré de deux tours jumelles. Ces tours subirent de nombreux dégats, la foudre étant tombée sur l’une des deux en 1392. En 1651, un autre ouragan en détruisit complètement l’une des deux. Les religieux préférèrent alors démonter la seconde plutôt que de réédifier celle qui était démolie et leur substituèrent ce mur en brique que l’on peut encore apercevoir.

L’abbaye possédait en grande partie le quartier de Saint-Jacques. Son domaine se prolongeait derrière l’église jusqu’à la Meuse dont le Boulevard Piercot a pris la place et allait de la rue de l’évêché au Boulevard d’Avroy. Le domaine avait été entourré de murs de toutes parts.

Documents consultés :

Bouille Théodore, Histoire de la ville et du pays de Liege

Balderic II : sur le net

Brunengeruz : sur le net

Ruhl Gustave : l’Eglise Saint-Jacques à Liege

Schoolmeesters Emile, Origine de Saint-Jacques, conférence faite en 1890

Le même dans Léodium : le tombeau de l’évêque Jean

Kurth Godefroid : Le peintre Jean, Bulletin de l’Institut Archéologique liegeois

Stiennon Jacques : Etude sur le chartrier et le domaine de l’Abbaye de Saint-Jacques de Liege

Gobert Théodore : Liège à travers les âges. Les rues de Liege.

Daris : Notices historiques sur les églises de Liege – 1885

Le même : Histoire du Diocèse et de la principauté de Liege

Id : Bulletin de la société d’Art et d’Histoire du Diocèse T. II

Lebrun André dans Léodium t. 59/1972 – Abbaye St Jacques

Renier J S – Sté libre d’émulation – Inventaire des ornements – 1883

Lethé Jean-Nicolas – Le Vieux Liege – t.14 n° 300

Le Vieux Liège : Tome  n° 147 / 1964

Ch. Dereine in Annales de la Société Archéologique de Namur : Tome 45,  1949/1950 – Clercs et moines au diocèse de Liège.

Charles Lays – Etude critique sur la Vita Balderici Episcopi Leodiensis – 1948 – Biblioth. Faculté de Philosophie et Lettres Ulg – Fascicule CX

Document en PDF: Fondation_de_St_Jacques_le_Mineur

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